Plaidoyer pour le bocage en ville

Depuis la loi SRU 2000, les communes sont incitées à densifier leurs territoires pour limiter le mitage et éviter l’urbanisation excessive. Cette densification renforce la demande des populations d’aménagements paysagers faisant la part belle à la nature.  Plus la ville est dense et minéralisée, plus forte est la demande d’espaces verts de récréation et de loisirs.  Aménagés, entretenus, sécurisés, ces espaces « naturels » à vocation récréative répondent au besoin d’aménité des citadins en embellissant le paysage, mais n’ont que peu de d’impact sur le maintien de la biodiversité en milieu urbain.

Des services écosystémiques

Pourtant, au-delà des services d’aménités, la présence du végétal en ville est source de nombreux bénéfices pour le territoire urbain et ses occupants. Depuis une dizaine d’années, l’écologie urbaine s’applique à documenter et mesurer les services écosystémiques procurés par la présence de la Nature en ville.  Ainsi, le végétal en ville apporte santé et bien-être à l’homme mais également la création d’un lien social et d’une identité locale. En termes d’équilibre naturel, le végétal en ville joue un rôle sur la régulation thermique, la qualité de l’air et l’écoulement des eaux tout comme la protection des sols. En termes économiques, les bénéfices rayonnent sur la valorisation du bâti, la valorisation des déchets végétaux et l’attractivité du territoire.

La biodiversité urbaine

Dans le même temps, la préservation de la biodiversité a été inscrite au rang des priorités écologiques par le dispositif du Grenelle II. Cet objectif se décline dans le concept de trame verte et bleue, un ensemble de continuités écologiques qui maillent le territoire et permettent la circulation des espèces ainsi que leur reproduction. Cette préoccupation à propos de la biodiversité est également présente en ville, même si l’on s’accorde pour reconnaître que le territoire urbain est peu propice aux actions de conservation des espèces naturelles.

Que l’on se situe sur le terrain écologique, économique ou social, toutes les raisons militent donc pour un verdissement des villes et le soutien de la biodiversité dans les zones urbanisées.

Mais cette tâche n’est pas aisée, et cela pour différentes raisons. Tout d’abord, la ressource foncière en ville est restreinte et coûteuse. Dans un contexte de crise du logement, de concentration des populations dans les métropoles, de densification de l’habitat urbain, pouvoirs publics et aménageurs donnent la priorité aux logements et aux infrastructures sur les espaces naturels. Ensuite la demande des populations à laquelle répondent les décisions d’aménagement du territoire porte plus sur des espaces végétalisés à vocation récréative que sur des réservoirs de biodiversité ; or nos squares et parcs urbains ont une faible contribution à la biodiversité, compte tenu de leur fréquentation intensive et d’un entretien trop interventionniste. Enfin, les services écosystémiques associés à la présence du végétal en ville et à la biodiversité restent encore mal connus du grand public, mais quelques fois aussi des services techniques municipaux et des professionnels de l’habitat ou du paysage.

Contre le béton vert et le greenwashing paysager

Pour verdir la ville, soutenir la biodiversité urbaine en dépit des contraintes relevées plus haut, les haies mélangées constituent une bonne solution, sous réserve de respecter certaines précautions.

Depuis toujours à la campagne, les haies bocagères constituent un élément majeur du paysage et de l’économie rurale. Mais la haie est également une formation végétale assez répandue en territoire urbain. Plantées en ville, les haies mélangées sur le modèle du bocage remplissent à merveille la fonction paysagère et améliorent l’attractivité de leur environnement immédiat.

La haie s’insère facilement dans les espaces les plus exigus, croit en hauteur et présente une fonction séparative et occultante souvent recherchée en ville, où il s’agit de délimiter les parcelles ou de masquer une partie du paysage en bordure des voies de circulation ou des infrastructures.

Malheureusement, il s’agit le plus souvent de haies monospécifiques (i.e composées d’une seule espèce) en résineux (Thuyas), en troènes ou en laurier. Ces haies monospécifiques, quelques fois qualifiées de « béton vert », présentent de nombreux inconvénients, procurent des services écosystémiques négligeables et surtout n’ont pas d’impact positif sur la biodiversité.

Il faut savoir que la plupart de ces essences mises à profit pour construire nos grands murs verts ne sont pas utilisées à bon escient. Outre le fait que certaines essences sont exotiques et/ou invasives (bambou par exemple), ces arbres sont utilisés dans la haie à contre-emploi. En les taillant, on impose à ces arbres une nanification qui va à l’encontre de leur port naturel, d’où l’apparition (notamment sur les résineux) de maladies cryptogamiques dues entre autre aux cicatrices de taille.

Les haies monospécifiques, fragiles et pauvre en biodiversité

D’un point de vue économique, les haies monospécifiques présentent une espérance de vie à la plantation bien inférieure à une haie mélangée ; elles sont facilement décimées par de nombreuses maladies. Tout au long de sa vie, le coût d’entretien de la haie monospécifique sera supérieur, produisant également une plus grande quantité de déchets difficilement compostables.

La propagation de ces maladies est accrue par le fait que ces arbres sont souvent des clones et qu’ils sont plantés à une densité élevée. En tant qu’écosystème, la haie de monoculture est un espace naturel artificiel qui est fragile et peu durable notamment vis à vis des insectes ravageurs et des champignons. Sa densité excessive empêche la pénétration des UV, indispensable à l’équilibre biologique, facilitant l’installation de maladies cryptogamiques.

D’un point de vue écologique, la haie monospéficique présente l’inconvénient d’appauvrir le sol par acidification et de constituer un refuge très médiocre pour la biodiversité. Si ces haies contractent plus facilement des maladies, c’est également parce qu’elles sont pauvres en biodiversité. Elles contribueront souvent à la propagation d’espèces exotiques et/ou invasives, dénaturant l’environnement et contribuant à la perte de typicité de nos paysages locaux.

Une autre faiblesse des haies monospécifiques est liée à la fonction de brise-vent. La taille de formation empêche la haie de jouer le rôle de brise vent. La taille en rectangle notamment réduit la capacité de la haie à piéger le vent. En effet comme sur un mur, le vent aura tendance à rebondir ou à passer au dessus sans être stoppé.

Le bosquet paysager, un « pansement » vert

On rencontre en ville une autre formation végétale qui ressemble à la haie, c’est le bosquet paysagé. Composé de plantes annuelles ou vivaces, d’arbustes, quelques fois d’arbres, disposés au milieu d’une plate-bande enherbée, ces massifs ont exclusivement une fonction décorative ; ils sont destinés à simuler la présence de la nature pour donner une petite touche « verte » au paysage urbain. Leur entretien est exigeant et souvent intensif (tonte, taille, remplacement des annuelles) et pour cette raison, leur apport en terme de biodiversité quasiment nul.

La haie est donc une formation végétale bien adaptée aux contraintes posées par la ville mais dans la pratique actuelle, elle procure des services écosystémiques réduits à l’aménité et des bénéfices négligeables en terme de biodiversité, elle requiert un entretien intensif et s’avère contre-performante sur le plan écologique (propagation de maladies, rotation élevées des plants, production abondante de déchets de taille).

Les bénéfices de haies mélangées composées d’essences locales

Nous estimons que la haie urbaine peut remplir ses fonctions « habituelles » (verdissement du paysage, délimitation, occultation), tout en contribuant positivement à la biodiversité et en procurant des services écosystémiques gratuits et variés. Il suffit pour cela de généraliser les haies mélangées, c’est-à-dire comportant une multitude d’essences, toutes de provenance locale.

Cette haie mélangée idéalement adaptée à la ville est susceptible d’être installée sur des espaces réduits mais également sur de plus grandes étendues. Ne produisant aucun déchet, composée d’essences locales adaptées aux types de sols et au climat de son environnement, elle requiert un entretien réduit et ne supporte aucun traitement phytosanitaire. Parvenue à maturité, elle présente un bilan écologique positif et constitue une ressource au service de la biodiversité urbaine.

La haie mélangée combine différentes essences d’arbres et d’arbustes, mais aussi des lianes, des plantes dites « de haies » et pourquoi pas des fougères. Cette combinaison qui permettra d’occuper les différents étages de la haie assure sa densification, sans toutefois provoquer l’homogénéisation que l’on constate dans les haies monospécifiques.

Pourquoi les haies mélangées sont « magiques »

Les haies mélangées sont « magiques », parce qu’elles procurent un ensemble d’externalités positives pour les hommes, les animaux, la végétation et le milieu écologique. Les haies mélangées embellissent le paysage urbain, protègent contre les aléas climatiques, régulent l’érosion des sols, absorbent les pollutions. Bien gérées, les haies mélangées procurent un ensemble de sous-produits valorisables. Mais surtout, chaque haie mélangée constitue un véritable “réservoir écologique”, abritant une flore et une faune diversifiées.

La haie mélangée se transforme tout au long de l’année, au fil des saisons, des floraisons, embellissant le paysage et les perspectives, avec une touche végétale en perpétuelle mutation. Les haies mélangées contribuent à la diversification du paysage et offrent des avantages esthétiques indéniables. Disséminées sur des parcelles bâties ou non bâties, y compris sur de toutes petites surfaces, la haie mélangée permet le maintien d’un cadre de vie de qualité, qui favorise le bien-être des habitants, en leur permettant de se relier facilement à la Nature.

Les haies mélangées présentent une grande richesse floristique (arbres, arbustes, plantes grimpantes, plantes herbacées) qui, avec la faune très diversifiée qu’elles accueillent (insectes, rongeurs, oiseaux) constitue un écosystème complexe. Sous réserve d’un entretien adapté (gestion différenciée), les haies mélangées servent en ville de refuge pour de nombreuses espèces comme les oiseaux, les petits mammifères et les insectes ; elles profitent également aux insectes butineurs.

Parce qu’elle est semi-perméable, la haie mélangée est le meilleur brise-vent, contrairement aux haies monospécifiques qui forment un obstacle imperméable, provoquant des turbulences et renforçant l’impression de froid. En plus de sa fonction brise-vent, la haie mélangée agit comme un pare-soleil l’été, tout en gardant de la fraîcheur en zone d’ombre et à l’intérieur. La formation serrée d’arbustes et d’arbres crée un microclimat qui régule la température à l’intérieur de la haie mais aussi en périphérie. De ce fait, les haies mélangées contribuent efficacement à réduire l’effet d’îlot de chaleur que l’on constate en ville.

Les haies mélangées freinent l’érosion due au ruissellement, notamment sur les fortes pentes (protection des talus) grâce à leurs systèmes racinaires complexes et diversifiés. Les haies favorisent l’infiltration et améliorent ainsi l’alimentation des nappes. En bordure des routes, les haies constituent une protection contre la pollution, en piégeant les métaux lourds contenus dans les gaz d’échappement.

A la différence des haies de thuyas, les produits de la taille des haies mélangées peuvent être transformés après broyage en BRF (bois raméal fragmenté) ou en un compost de broussailles fertilisant. L’utilisation de BRF permet de réduire l’irrigation et l’entretien des sols et contribue à leur fertilité. Rapidement, les haies mélangées deviennent des sites discrets de cueillette, offrant des baies, des graines et des petits fruits (noisettes, prunelles, mûres, coins, pommes), très appréciés des gourmets, sans oublier les plantes médicinales.

Implantés à bon escient, ces micro-réservoirs de biodiversité peuvent jouer un rôle dans le renforcement des corridors écologiques et consolider la trame verte urbaine. Afin de compenser les effets négatifs de la forte fragmentation des habitats naturels en zone urbaine, les biologistes de la conservation ont conseillé d’accroître la connectivité entre les habitats afin de maintenir, et si possible d’améliorer, la viabilité des populations d’espèces cibles. Ainsi, la connectivité entre les taches d’habitats au sein d’un paysage est devenue un enjeu fort pour la conservation de la biodiversité. Une des options couramment retenue pour rétablir la connectivité est la mise en place de corridors entre les habitats déconnectés. Avec leur profil linéaire et leur forte densité végétale, les haies mélangées peuvent constituer des éléments constitutifs des corridors.

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