Déployer une trame urbaine de micro-réservoirs de biodiversité

En ville, les réservoirs de biodiversité sont rares et souvent de taille restreinte. Ce sont essentiellement les parcs urbains qui tiennent ce rôle, mais la fonction de milieu support reste partielle, du fait des usages anthropiques et de l’entretien intensif. Par ailleurs, dans une matrice fragmentée, il est impossible d’interconnecter ces réservoirs de biodiversité, souvent situés en périphérie, sur les lisières urbaines.

Partant de ce constat, l’association Haie-Magique met en œuvre pour renforcer la trame verte urbaine une stratégie de « pas japonais » consistant à disséminer dans la matrice urbaine des milieux supports pour la biodiversité locale sur des surfaces comprises entre 100 et 1.000 m².

Ces espaces sont installés sur les vacants et délaissés urbains, mais aussi le long des réseaux, dans les parcs, le foncier des établissements scolaires, dans les résidences et copropriétés. Ils sont construits autour d’une haie mélangée ou d’un bosquet bocager comportant les 3 strates végétales d’espèces locales (arborée, arbustive, herbacée) et ceinturés d’un ourlet enherbé, l’ensemble faisant l’objet d’une gestion différenciée (paillage du sol, intervention douces, non mécanisées, en dehors des périodes de reproduction, croissance en forme libre, taille pied à pied, fauche manuelle, etc).

Une première expérience à Massy (91)

Co-financé par le Conseil Régional d’Ile-de-France et la fondation Yves Rocher, ce programme de création de micro-réservoirs urbains a été expérimenté à Massy (91) de novembre 2015 à mars 2018. Il a conduit l’association Haie-Magique à planter près de 13.000 jeunes plants d’arbres et d’arbustes d’essences locales, selon un cahier des charges précis conforme à la charte régionale d’Ile de France pour la biodiversité.

Sur trois saisons, le programme de plantation a débouché sur plus de 70 chantiers participatifs à Massy, permettant d’intéresser des centaines de citoyens, d’élèves, de publics divers aux questions de l’aménagement urbain et du développement durable. 29 sites ont ainsi été créés, représentant un linéaire bocager d’environ 5.000 mètres. Parmi ces 29 haies magiques, 22 dépendaient de la mairie (du point de vue du foncier ou de l’entretien).

Cette dynamique autour des haies urbaines a touché les différents quartiers de la Ville, 3 centres sociaux, 5 écoles, 5 collèges et lycées de Massy. Sur des linéaires de 10 à 300 mètres, les haies ont ainsi pris place sur des délaissés, le long des réseaux ou en pied d’immeubles. Dans certains cas, la haie a accompagné la création d’un jardin partagé ou la mise en place de composteurs.

D’une manière générale, les plantations de « haies magiques » ont été une composante importante de la dynamique locale enregistrée ces dernières années autour du développement durable et de la transition écologique. A l’évidence, le travail de l’association autour des végétaux et de la ville nourricière a favorisé des initiatives citoyennes et institutionnelles à Massy.

La stratégie du « pas japonais »

Du fait de l’extrême morcellement de la matrice par les réseaux de circulation, il n’est pas aisé de rétablir les continuités écologiques en ville. Toutefois, en s’appuyant sur les réseaux viaires justement, on peut dérouler des portions de corridors écologiques, en accompagnant les voies avec la formation linéaire de la haie mélangée.

L’autre tactique consiste à disséminer dans la matrice une multitude de petits réservoirs de biodiversité qui -proches les uns des autres- permettront à certaines espèces de circuler et constitueront pour d’autres des habitats adaptés.

Cette stratégie de « pas japonais » est souvent la seule voie envisageable dans les zones complètement urbanisées et il a été démontré par une étude récente que la fragmentation des habitats présente des avantages pour la biodiversité qui compensent largement les effets négatifs induits.

Cette étude (J.L.Martin et alii, Is habitat fragmentation bad for biodiversity? Biological Conservation 230 : 179-186) montre que les effets négatifs au niveau des fragments ou du paysage (effet de lisière négatif, extinction intra-fragment, dispersion rendue plus difficile) sont compensés par des effets positifs comme la réduction de la compétition intra ou inter-spécifique, la dispersion du risque, la stabilisation des interactions « proie-prédateur » et « hôte-parasite » et d’une manière générale l’accroissement du nombre d’habitats disponibles.

Contexte d’implantation

Les micro-réservoirs de biodiversité peuvent être installés :

  • Dans les parcs urbains
  • Dans les résidences et copropriétés
  • Sur le foncier des établissements scolaires et d’enseignement
  • Sur le foncier des entreprises et zones d’activités industrielles, artisanales ou tertiaires
  • Le long des réseaux viaire et ferré
  • Sur les friches et délaissés urbains

Ingénierie sociale en amont du projet

Les projets de plantation sont organisés au niveau de la commune qui est l’échelon idéal pour conduire ces actions de terrain sur un principe participatif. L’association Haie-Magique entre en contact avec la commune par le biais des élus, des services techniques ou de l’agenda 21 municipal le cas échéant.

Un premier travail est conduit pour identifier des espaces publics vacants et préciser avec la commune ses objectifs en termes de continuités écologiques. Un second travail est conduit avec les acteurs de terrain et les institutions locales pour identifier également du foncier disponible et surtout amorcer la dynamique socio-culturelle autour des objectifs de préservation de la biodiversité locale.

Il est nécessaire que les institutions locales et la municipalité popularisent auprès de leurs publics le projet communal de déploiement d’un réseau d’espaces urbains consacrés à la biodiversité. Sur le terrain, les associations socioculturelles, de défense de l’environnement, d’éducation populaire peuvent profiter de l’engouement réel des citoyens pour la nature en ville, les activités de plein-air, les courants alternatifs de jardinage et profiter de cette dynamique pour mettre la question de la biodiversité locale au cœur des préoccupations des acteurs de terrain, y compris les acteurs professionnels du paysage et les fonctionnaires en charge de l’entretien des espaces publics.

Ci-dessus : sanctuarisation de la zone de plantation au moyen d’un plessage réalisé dans le cadre d’un atelier inter-générationnel

Au niveau du grand public citadin, le concept de biodiversité et la nécessité de la préserver ne font pas vraiment sens. Selon leur catégorie socio-professionnelle, les franciliens sont coupés de toute nature authentique ou bien accèdent à des espaces naturels bien conservés ; dans les deux cas, la biodiversité locale n’est pas une préoccupation. Il faut donc changer de registre et de vocabulaire. Nous ne parlons plus de « biodiversité urbaine » à nos interlocuteurs mais d’espaces urbains ensauvagés, d’installation de vergers et de lieux de cueillette, d’appropriation citoyenne des espaces verts… Auprès de ce même grand public, il y a également un travail à faire pour réhabiliter les friches urbaines et rendre acceptable la présence en ville d’espaces verts non entretenus ou gérés de manière différenciée.

Avec la Mairie et les acteurs locaux, un programme pluri-annuel est mis en place pour organiser les chantiers participatifs de plantations de haies mélangées et la sanctuarisation des espaces (création d’un ourlet enherbé, pose de ganivelles, installation d’habitats pour les insectes et la petite faune, signalétique pédagogique…).

Programme de plantations

La haie mélangée est facile à planter et à entretenir ; elle est peu coûteuse à réaliser et procure de nombreux services écosystémiques, en complément du support à la flore et la faune locale. Sous réserve d’un encadrement adéquat, planter des haies bocagères est à la portée de tous. De ce fait, tous types de publics peuvent être convoqués pour participer aux chantiers de plantations : scolaires, familles, élèves, seniors en bonne forme physique…

L’association Haie-Magique accompagne chaque chantier de plantation en termes de conception de l’espace et de la haie et de logistique du chantier ; elle fournit également les végétaux, des jeunes plants racines nues d’arbres et d’arbustes d’essences locales, et le paillage indispensable à la survie de la plantation en l’absence d’arrosage. Une fois installés, les espaces sont sanctuarisés au moyen d’une clôture basse ; ils sont équipés avec une signalétique explicative et différents aménagements pour la faune (nichoirs, hôtels à insectes). Les prestataires et services en charge de l’entretien sont informés qu’ils ne doivent pas intervenir à ces endroits.

Elle garantit des plantations réalisées dans les règles de l’art, le respect de la charte régionale pour la biodiversité et le principe de participation des habitants à l’aménagement de leurs espaces verts. Tout autour de la nouvelle haie, un espace est constitué qui a vocation à devenir un milieu préservé, accueillant pour la biodiversité locale et soustrait à l’entretien habituel par les services techniques et prestataires.

Gestion des micro-réservoirs

Pour jouer leur rôle de support de la biodiversité, il est nécessaire que ces haies survivent, développent les trois strates (herbacée, arbustive, arborée) et qu’elles soient préservées des interventions extérieures (entretien, vandalisme, travaux, etc). Compte-tenu de la taille des végétaux plantés (40-80 cm), trois à cinq années sont nécessaires pour observer les premières modifications sur le paysage. Dans les premières années, la plantation est évidemment relativement fragile. Une fois la haie installée, on pratique les approches dites de gestion différenciée.

Composée d’essences locales, avec ses trois strates végétales et ses arbres trognes, la haie mélangée propose à la flore et la petite faune des villes un support adapté pour habiter, se nourrir et se déplacer. Il est donc impensable de continuer un entretien classique de cette zone, impliquant un traitement répété et destructif des végétaux et donc de la faune qui y était installée.

Il est donc essentiel de garantir que l’emprise de ces espaces restera en toutes circonstances à l’abri des opérations de tonte, fauche et taille mécanisées pour laisser la place à une gestion différenciée des espaces (interventions en dehors des périodes de reproduction, fauches manuelles, gestion des arbres et arbustes pied à pied, etc).

Pour assurer la protection et la mise en valeur de ces espaces supports de la biodiversité locale, un important effort de communication est indispensable. Nous avons en effet noté les remarques de certains habitants à propos de « l’absence d’entretien » autour des haies, remarques justifiées puisque nous sommes tous habitués à une gestion hygiéniste et esthétisante des espaces verts de nos villes. La mise en place d’une gestion différenciée à l’échelle des haies magiques vise ainsi à offrir aux citadins une autre vision de la nature en ville et de ses avantages. Dans cette optique, il apparait nécessaire que la Ville communique autour des aménagements réalisés et des bénéfices attendus.

L’objectif est bien de mettre en valeur et de montrer l’intérêt chaque site préservé, tant pour la biodiversité que du point de vue socio-culturel et paysager, ainsi que les travaux de ceux qui ont permis de le créer (les habitants, les élèves, les bénévoles).

Financement

Pour le déploiement de ses trames vertes urbaines, l’association Haie-Magique bénéficie du soutien financier de la région Ile-de France, qui prend en charge jusqu’à 50% des dépenses, et du financement de ses mécènes historiques, la fondation Yves Rocher et Resforest’action, qui financent les plants d’arbres et d’arbustes.

Le reste à charge pour les communes représente 20 à 30 % du budget global du programme.

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